Le Groupe De Watou est une foncière familiale spécialisée en immobilier d’entreprise, fondée par Eric de Hulster il y a plus de 40 ans, elle est aujourd’hui l’une des foncières privées les plus importantes de France. Initialement axé sur la valorisation et la réhabilitation des immeubles de centre-ville, le groupe change de cap en 2004 avec l’arrivée de Guillaume, Sébastien et Perrine de Hulster à la tête du groupe. La stratégie est la suivante : se concentrer sur l’immobilier de commerce. Avec plus de 550 locaux commerciaux, 6 centres commerciaux de proximités et 6 galeries marchandes en supermarché, le groupe possède et gère aujourd’hui plus de 150 000 m2 de commerces. Passionné par l’immobilier et engagé, le groupe décide de fonder en 2019 « Bellevilles » une foncière responsable ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale) et participe à la revitalisation des territoires délaissés et oubliés avec des projets ayant un fort impact social et environnemental. Plus que des mots, le groupe investit dans des projets d’envergures comme les Halles de la Cartoucherie à Toulouse où plus de 14 000 m2 seront dédiés à la culture et au « vivre ensemble » et feront revivre un patrimoine industriel oublié. Salle de spectacle, coworking, cinéma, pôle sportif, halle gourmande, bureaux… un projet colossal de 29 millions €, le tout porté par des fonds privés regroupés dans un collectif d’exploitant à initiative du projet et avec le soutien de la Banque des Territoires
. Rencontre avec Sébastien de Hulster qui nous dévoile sa vision du retail et l’évolution des relations entre bailleurs & preneurs
Sébastien, peux-tu te présenter, d’où viens-tu et quel est ton parcours ?
Je suis diplômé ESSEC BBA. En début de carrière, j’ai travaillé 2 ans chez Carrefour, avec notamment une expérience d’un an où j’étais directeur adjoint d’un magasin (enseigne Champion à l’époque) de 3 500 m² et 100 personnes. Cette expérience m’a confirmé mon appétit pour le commerce mais j’avais plus vocation à travailler dans une petite structure et j’ai alors rejoint l’entreprise familiale, De Watou.
Justement, parlons de De Watou : c’est aujourd’hui un acteur connu et reconnu dans le monde de l’immobilier d’entreprise, peux-tu nous présenter le groupe ?
La société a été fondée en 1980 par mon père, Eric de Hulster. Son activité principale était la réalisation d’opérations de réhabilitations d’immeubles anciens et en monuments historiques, la plupart du temps sous le dispositif de la loi Malraux. Nous avons rénové plus de 250 immeubles dans les principaux secteurs sauvegardés (Paris, Lyon, Nantes et Bordeaux) mais aussi sur des villes de taille moyenne (Bayonne, Dax, Roanne et St Germain en Laye dont je suis originaire…). Nous avons repris la société avec mon frère Guillaume en 2004 et avons choisi d’accentuer notre savoir-faire sur les commerces de centres-villes de province, souvent délaissés par les principaux investisseurs. Nous avions alors visé 80 villes sur lesquelles nous avions réalisé un Street-view avant l’heure en photographiant toutes les devantures des rues n°1 et 2 de ces villes, nous permettant d’être réactif sur les opportunités. Rapidement, nous avons constitué un réseau important d’apporteurs d’affaires qui nous a permis de développer rapidement notre activité. Depuis 2015, nous investissons également sur des galeries marchandes et des centres commerciaux de proximité. Nous considérons que ces actifs sont de belles opportunités pour notre structure : ils demandent une gestion très fine et beaucoup d’énergie, mais si le travail est bien fait, il y a une certaine résilience et un rapport rendement / risque supérieur au reste du marché. Ils présentent à mon sens l’avantage de marier 2 éléments essentiels au succès d’un commerce : proximité et accessibilité avec stationnement facile en général.
Toute cette stratégie nous a permis de détenir et gérer 550 commerces en 2020 et d’être reconnu comme un acteur important du retail.
Investissement, gestion d’actifs et conseil sur mesure sont vos principaux métiers, votre envergure nationale et votre connaissance du terrain sont clairement vos forces, comment s’articule votre travail au quotidien ?
Comme tu le dis, la connaissance du terrain et de nos locataires sont les points principaux de notre succès. Pour cultiver cela, nous essayons d’être présents et d’avoir le plus possible de contacts avec nos exploitants. Cela se traduit par de nombreux déplacements, vu que nos biens se situent sur 60 villes sur toute la France et le plus de rencontres possibles. Dans les 2 cas, cela demande beaucoup d’énergie, mais c’est également un vrai plaisir. J’ai été baigné depuis tout petit dans la culture du patrimoine et de la belle pierre, et nous avons un pays magnifique que j’adore découvrir et redécouvrir. Je ne pars quasiment plus en vacances à l’étranger pour en profiter et je peux continuer à travailler en même temps ! Mon principal moteur est le rapport humain et le plaisir de développer des projets avec des partenaires, sachant que mes locataires sont des partenaires. J’y tiens absolument. Je suis d’ailleurs très reconnaissant d’avoir pu rejoindre la communauté que vous avez réussi à créer, car elle permet d’avoir facilement des échanges avec les enseignes et de mieux comprendre leurs besoins et contraintes.
Et j’ai la chance de pouvoir me consacrer sur ces points car j’ai une équipe solide au bureau qui sait également gérer finement et ont une parfaite connaissance de notre patrimoine. Tu pourras faire le test la prochaine fois que tu viendras au bureau, chaque membre de l’équipe peut te dire à quelle adresse se situe n’importe quel locataire. C’est un grand confort pour moi ! Enfin, une grande partie du travail est d’être ouvert sur le marché pour anticiper les tendances, et d’être à l’écoute des nouvelles opportunités. Je cherche également des brokers partenaires qui connaissent bien nos enjeux, et j’ai eu le plaisir d’en retrouver certains à vos évènements, et avec lesquels une relation de confiance peut se créer. Là aussi, je considère nos apporteurs d’affaires comme des partenaires. Je t’avoue que j’ai plus de mal à être réactif en ce moment avec la somme de travail et un réseau qui grandit mais nous avons recruté pour pallier à cela.
Il y a maintenant 1 an, tu as conclu l’acquisition du portefeuille Inside qui représente plus de 120 commerces et bureaux pour plus de 25 000 m2 répartis sur tout le territoire et présentant 50% de vacances. Où en est tu aujourd’hui, connaissant votre savoir-faire je suis sûr que ce chiffre a considérablement baissé ?
En surface, nous étions même à 60% de vacances, et nous avons réduit ce nombre à 35% au 31/12/2019 ! Je t’avoue que nous avons dépassé mes espérances, mais là aussi j’ai eu la chance d’avoir des équipes efficaces. Ursula Majer et Alexandre Gautier sont arrivés en 2019 pour redynamiser ces commerces, et là-aussi le réseau UnEmplacement.com nous a bien aidé. Tu as pu les voir à l’action lors des évènements, et même s’ils ont été moins bons au baby-foot, on a pu réactiver plus de 3 000 m² de commerces avec des acteurs présents dans le réseau. J’espère finir d’en convaincre quelques-uns avant l’été encore !
Lors de cette phase de commercialisation, tu as surement pu observer une évolution des relations entre bailleurs et preneurs, qu’est-ce qui t’a le plus marqué et quels sont les principaux problèmes auxquels tu as été confronté ?
C’est une démarche que nous avons initié depuis très longtemps, mais comme je te le disais, je considère que la relation bailleur-preneur est un partenariat. Nous ne pouvons plus nous contenter de juste mettre à disposition un toit et 4 murs, nous devons accompagner l’exploitant le plus possible. Créer et installer un commerce est devenu un parcours du combattant avec de plus en plus d’autorisations administratives à obtenir. Il est devenu compliqué d’ouvrir un commerce dans le délai imparti et d’ailleurs, nous cherchons une structure qui pourrait nous accompagner sur les créations et installations de commerces. Un autre écueil rencontré par nos preneurs sont les financements bancaires, en particulier pour les indépendants, où le business plan peut être compliqué à lire. On doit prévenir et anticiper les difficultés, et lors de la prise d’intérêt d’un candidat, vérifier où nous pouvons l’aider. Il faut également être « malin » sur le choix de l’activité pour assurer sa pérennité. Une vision long terme est essentielle pour bien gérer son patrimoine, c’est encore plus vrai sur nos centres commerciaux.
Tu es très actif sur le sujet et je pense que celui-ci te tient particulièrement à cœur : l’évolution du commerce avec l’Humain comme cœur du réacteur. Comment vois-tu et appréhendes-tu cette évolution ?
C’est sûrement encore plus vrai dans le commerce et l’immobilier, mais la relation humaine est vraiment ce qui déclenche le succès. Sur la partie immobilière, je vais te donner un exemple concret : nous avons dans une galerie marchande une problématique juridique avec une enseigne du réseau UnEmplacement.com, impossible de se mettre d’accord malgré de nombreux échanges de mails. Grâce à toi, nous avons pu nous rencontrer et en face à face, la relation a pu se créer et régler la situation très rapidement. On retrouve cette dimension à tous les niveaux : nous avons à disposition des données en masse, des nouveaux moyens de communication, mais au final c’est sur une rencontre que tu vas faire un business, pas sur un algorithme. Et c’est encore plus vrai dans le commerce.
Tout le monde s’accorde pour le dire, le commerce évolue et doit s’adapter inéluctablement à la concurrence d’internet. On parle souvent d’expérience client, d’originalité et de différentiation, penses-tu que les foncières ne doivent plus uniquement se concentrer sur les cellules commerciales pour dégager de la rentabilité, mais créer de véritable projets mixtes et lieux de destination dans lesquels le commerce ne serait que périphérique et complémentaire ?
Tout à fait ! Je suis convaincu que pour être attirant, un lieu doit regrouper différents usages. On a créé pendant des années des ensembles immobiliers à destination unique : soit un quartier de logements, soit un quartier de bureaux, soit une zone commerciale …. Plusieurs acteurs ont modifié à la marge leur projet en faisant du « retailtainement », mais pour moi ça ne va pas assez loin. Il ne faut pas légèrement modifier notre façon de voir l’immobilier en rajoutant un patch « loisirs » ou « culture » ou « gourmandise » sur nos sites, mais repartir à zéro et recréer totalement nos concepts. Un lieu amenant plusieurs activités va s’enrichir, et il faut prévoir des espaces accueillants, des projets qui ne génèrent pas de revenus immédiats mais vont créer une âme et amener du flux qui profitera à tes commerces.
En parlant de projet mixte, je sais que tu t’es énormément investi dans un projet de grande ampleur « les Halles de la Cartoucherie » à Toulouse. Tu as pris part à cette formidable aventure via « BELLEVILLES » ta nouvelle foncière solidaire et responsable. Peux-tu nous la présenter et nous parler de ce projet ?
Je te remercie de me permettre de mettre en avant ce projet, car il me tient beaucoup à cœur. Nous avons eu la chance de pouvoir accompagner un collectif d’exploitants qui porte depuis 2 ans le projet des Halles de la Cartoucherie. J’ai adhéré tout de suite car il inverse la chaîne de valeurs en partant de l’exploitant / l’usage, pour créer l’outil immobilier / l’objet. Nous avons avec nous des spécialistes reconnus dans leurs domaines qui vont nous permettre de créer une salle de spectacle, un ensemble sportif, un espace bureau/coworking et une halle gourmande sur plus de 13 000 m². En plus de la mixité d’usage, nous souhaitons être démonstrateur sur la qualité environnementale de la réhabilitation et de la construction, mais surtout sur la dimension sociale : via la culture bien sûr, mais également par l’inclusion sociale et l’insertion avec plus de 200 emplois créés directement, et une volonté de structurer des filières vertueuses en alimentation. C’est un projet novateur qui suscite beaucoup d’attentes. Nous avons reçu plus de 150 demandes pour exploiter un des 30 stands de restauration dans la Halle, avec une ouverture prévue initialement entre septembre et novembre 2021 mais décalée au 1er trimestre 2022 suite au COVID.
Cette mixité est-elle la clef pour lutter et répondre au géant du web et autres startups qui ne cessent d’arriver en bousculant le commerce physique ? Penses-tu que cela suffira à inverser la tendance face à des sites dépourvus d’expérience humaine mais terriblement efficaces pour le consommateur ?
J’en suis convaincu, l’Homme vit par et pour la relation humaine. L’e-commerce permettra de gagner du temps sur nos modes de vie, mais ce temps gagné sera réinvesti sur des expériences de partage. C’est pour cela que les modèles de loisirs et de restauration fonctionnent aussi bien. Regarde le succès d’Arkose lors des Enseignes d’Or : ils ont tout compris et regroupent la possibilité de partager des moments avec ses amis, sa famille, ou même des inconnus. La clé sera le « phygital » où les « pure-players » d’Internet viennent ouvrir des magasins en dur. Nous sommes au début d’une évolution du commerce, mais il ne disparaitra pas car il structure nos communautés.
Avec BELLEVILLES, tu investis beaucoup dans les banlieues et les villes rurales, là où ces dernières années le commerce a le plus souffert. Tu as par exemple remporté un concours pour l’acquisition de l’ancienne école pasteur à Albi, en la transformant en un projet incluant des commerces, logements et un atelier d’artiste. Quand tu réalises ce type de projet, comment arrives-tu à avoir une vision d’ensemble ?
Je m’entoure bien ! Dans Bellevilles, nous regroupons des compétences au niveau des associés avec un architecte, François Gendre, un spécialiste du montage de projet, Alexandre Born, et un spécialiste de la concertation et du conseil RSE, Jérémie Lovenbruck, et de Watou pour le commerce. Le projet Pasteur est un très bon exemple car nous avons des idées avancées sur le commerce grâce à ce que nous avons pu observer sur d’autres villes, mais nous tenons à mener une phase de concertation très avancée pour amener un projet qui fera consensus avec la ville, les autres commerçants et les usagers. Nous ne pouvons pas et ne voulons pas arriver avec un modèle préétabli que nous imposerons à une communauté. C’est ce qui a d’ailleurs séduit la ville. Et cette dimension, nous le voulons aussi pour le logement en ayant une mixité de population, sociale ou intergénérationnelle. Il est important de faire revenir les familles en centre-ville. Nous tenons aussi à respecter le lieu car il est désagréable de voir une école fermée et nous nous devons de faire en sorte que ça soit au profit d’un projet qui donnera une autre dimension au centre-ville d’Albi, qui est déjà dynamique. C’est ambitieux mais je suis convaincu qu’il y a les énergies nécessaires au succès. Bellevilles a pour enjeu de se placer comme un outil au service de l’intérêt collectif, et notre business model se place aussi sur l’accompagnement d’exploitants et collectifs qui cherchent des référents immobiliers et financiers.
Malgré toutes les bonnes volontés du monde pour relancer le commerce dans des zones désertées il faut attirer de nouveaux preneurs et leur permettre d’avancer sereinement dans leur projet. La sérénité commence pour beaucoup par l’aspect financier. J’ai vu que dans certaines zones tu plafonnais les loyers afin de permettre au plus grand nombre de se loger et/ou de lancer son projet commercial. La clef du succès ne passerait peut-être pas par-là ? Un plafonnement des loyers, une baisse des charges et des taxes, un assouplissement des règles d’urbanisme ou encore faciliter l’accessibilité et le stationnement, les communes jouent-elles le jeu ?
En effet, nous essayons d’accompagner les exploitants quand c’est nécessaire : loyers évolutifs ou franchise à l’installation. Beaucoup de centres-villes se sont vidés car les loyers demandés ne fonctionnaient plus avec les nouveaux modes de consommation. Payer 500 € le m² dans des villes de taille moyenne n’est pas possible aujourd’hui, et beaucoup de propriétaires ont du mal à le comprendre. Nous pouvons faire une partie du chemin mais c’est vrai qu’il y a un vrai souci sur les taxes foncières qui sont souvent déraisonnables. On observe d’ailleurs une corrélation entre le niveau de taxe foncière et la vacance commerciale. Pour le reste, les mentalités des pouvoirs publics ont vraiment évolué, et cela se concrétisent clairement au travers du plan Action Cœur de ville, et de l’arrivée des managers de centres-villes. Aujourd’hui les mairies ont la volonté d’accompagner le commerce, car il permet d’avoir une ville vivante et agréable. J’ai envie de te citer Dax qui est une ville que nous connaissons bien et où le travail de Patricia Yvora à ce niveau est colossal, et les résultats visibles. Il reste enfin le problème de stationnement où selon moi la solution n’a pas encore été trouvée. J’aimerais préconiser des parkings totalement gratuits pour le consommateur, mais le modèle financier pour les villes est compliqué. Et puis nous devrions avoir un modèle de société avec moins de voitures, mais c’est quasi impossible hors grande métropole. J’ai également envie de mettre en avant les modèles de préfiguration, assez novateurs, qui consistent à mettre à disposition les lieux pour des associations ou des évènements culturels, et qui permettent d’ancrer le bien immobilier dans son environnement. Nous l’avons fait à la Cartoucherie et c’est en cours sur nos différents projets.
Dans la réhabilitation ou l’aménagement de tes projets, j’ai vu que l’écologie jouait un rôle important. En tant que foncière comment appréhendes-tu et intègres-tu ce nouveau paramètre et que fais-tu concrètement au quotidien pour apporter ta pierre à l’édifice dans ce combat ?
Le projet de la Cartoucherie et de BELLEVILLES m’a permis de voir les choses autrement. J’ai toujours essayé de faire mieux, avec les bons matériaux et une bonne isolation, mais la contrainte financière pouvait prendre le dessus. Depuis 6 mois, j’ai décidé de voir les choses autrement et d’accorder un budget immédiat à la rénovation thermique du bâtiment. Je vais baisser ma rentabilité immédiate de mon acquisition mais à terme j’aurai un patrimoine rénové plus facile à gérer, avec moins de charges d’exploitation pour mon locataire, qui paiera donc plus facilement son loyer. Le système est vertueux et permettra une meilleure rentabilité finale. J’engage chacun à faire de même car l’effort immédiat est assez faible finalement. En dehors de l’aspect thermique, nous allons pousser sur le réemploi, les matériaux biosourcés, et la gestion des déchets. Je réfléchis à mettre à disposition des restaurants et magasins alimentaires des systèmes de composteur amélioré comme Upcycle ou les Alchimistes.
DE WATOU, BELLEVILLES tu es en plein développement, je vois que tu recrutes et étoffes ton équipe. Dans combien de projets ou dans quel volume comptes-tu investir dans les années qui arrivent et as-tu prévu de faire une distinction entre les investissements classiques et les projets solidaires ?
Aujourd’hui je prends beaucoup de plaisir avec Bellevilles et je pense ne pas dissocier à terme les investissements classiques et les projets solidaires. Nous avons atteint une maturité financière qui nous permet de faire mieux et avec plus d’impact, notre moteur n’est clairement pas financier et nous voulons donner plus de sens à notre métier. D’ailleurs, je pense que dans 10 ans, tout le monde prendra en compte les données écologiques et solidaires par défaut, peut-être plus par greenwashing que par conviction, mais c’est un autre débat. Et concernant le volume d’investissement, c’est une bonne question, car nous avons de réelles opportunités de grandir, mais nous souhaitons conserver une dimension humaine. Sur 2020, nous devrions réaliser 20 acquisitions environ.
De nombreuses crises ont frappées le pays ces dernières années comme la réforme des retraites ou encore les gilets jaunes, on peut dire que les commerces n’ont pas été épargnés. Désormais ils se retrouvent confrontés à une crise sans précédent avec l’épidémie du COVID-19 qui ne cesse de s’étendre. Un mois s’est écoulé depuis la fin du confinement, comment analyses-tu la situation, penses-tu que nos commerçants vont pouvoir s’en relever ? Encore une fois les sites de vente sur internet explosent… Que peuvent faire selon toi les commerces physiques pour se prémunir et anticiper d’autres crises qui viendront encore une fois déséquilibrer le rapport de force entre commerce en ligne et physique ?
Je suis assez confiant au global, si nous sortons de cette angoisse sanitaire dans un délai raisonnable. Il y a eu heureusement des soutiens financiers très rapidement en place par l’Etat et les banques même si tout n’est pas parfait et des accompagnements par les bailleurs avec des reports ou des annulations de loyer. Le covid-19 a accéléré une transition numérique qui était nécessaire de toute manière et que beaucoup de commerçants n’avaient pas le temps de mettre en place. Au final, on va ressortir de la situation avec de nouveaux outils qui permettent un commerce phygital, de créer une communauté propre à chaque commerce et surtout avec des consommateurs qui ont réalisé toute l’importance des commerçants de proximité. Il ne faut pas rater le virage par contre et bien répondre aux nouvelles attentes de consommation. Je pense sincèrement avoir très peu de défection chez nos locataires, mais aussi parce que nous les suivons.
La suspension du paiement des loyers pour les commerces est l’une des mesures phares pour les aider à traverser cette crise. D’un point de vue humain tout le monde est unanime, cette mesure est essentielle pour la survie des commerces, mais penses-tu que tous les propriétaires pourront le supporter financièrement, les banques vont-elles jouer leur rôle et suspendre les crédits ? Comment gères-tu le problème et quelles sont les principales difficultés que tu rencontres aujourd’hui ?
C’est très difficile d’avoir une position arrêtée et ferme dans cette situation, surtout sans avoir le recul de quelques mois de reprise d’activité et d’évolution du chiffre d’affaire. Dans la minute d’annonce de fermeture des commerces, j’ai su qu’il faudrait accompagner tous mes petits commerçants et quelques jours après les plus gros aussi. La difficulté pour un bailleur au début, c’est intellectuellement d’accepter la responsabilité d’une situation qu’il subit également. Pourquoi annuler mes loyers alors que je ne suis pas responsable, que mes murs sont toujours occupés ? Car on peut prendre le problème dans tous les sens, c’est également une perte sèche pour nous malgré les reports de crédit et avec toujours une structure à faire vivre, avec des investissements à réaliser pour continuer à faire tourner l’économie et accueillir nos prochains commerçants. Mais une fois dit cela, il faut affronter le problème et nous l’avons au final vécu assez positivement. Les échanges avec les locataires ont été constructifs et quand il y a une écoute réciproque, on trouve des solutions. Il faut être habile et agile, et éviter les postures prises par les représentants de fédérations (des 2 côtés). Nous réglons au cas par cas, et pour beaucoup nous attendons de voir comment se passera la reprise d’activité, en accord avec l’exploitant. Dans l’idéal, il faudrait faire le bilan sur la totalité de l’année 2020 comparée à 2019, car j’ai espoir que mes commerces de proximité trouvent une nouvelle clientèle. C’est le bienfait de cette crise, chacun s’est posé les questions de notre société et des impacts de notre consommation. Relocalisons nos achats et nos productions, redynamisons nos territoires, prenons le temps de bien faire !
Pendant le confinement, j’ai pris l’engagement de mettre en place des systèmes de distribution de circuit-courts dans nos centres commerciaux par exemple. Et pour être clair, oui nous avons annulé beaucoup de loyers mais en attendant des contreparties, dans un rapport gagnant-gagnant (prolongation du bail, engagement de mettre le budget économisé dans des actions de relance, engagement d’un business modèle plus vertueux via circuits-courts ou produits bio… ). Économiquement, nous avons pu faire l’effort aussi grâce aux reports des échéances de crédit, les banquiers ont agi en partenaire et je les en remercie !
Merci beaucoup Sébastien pour cette interview et de nous avoir fait partager ta vision du commerce, nous te félicitons tous et nous te remercions encore une fois pour ton soutien depuis nos débuts, c’est un réel plaisir de te connaitre et d’avancer à tes côtés. Mais avant de te quitter peux-tu nous donner quelques dates clefs et évènements à venir ?
Je vais t’en donner une qui est mon actualité principale du moment : dans la logique d’un projet collectif et collaboratif, nous réalisons une campagne de crowdfunding sur LITA.co pour Bellevilles. Je souhaite réunir le plus d’acteurs de l’immobilier traditionnel pour les amener à avancer sur la thématique de la Ville Durable. Tout le monde peut bien-sûr y participer, d’autant que c’est un bon placement, capital et intérêt garanti ! (Cliquez ici pour plus d’information) Merci Kevin et à toute l’équipe !